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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 14:16

Alors qu'ils explorent l'épave d'une trière, vaisseau de guerre du cinquième siècle avant JC, deux plongeurs découvrent des morceaux de céramique. Conscients d'avoir un trésor entre les mains, ils remontent ces fragments à la surface. C'est alors qu'un professeur resté à bord du bateau leur annonce qu'il s'agit des débris d'un vase relatant l'histoire de la lutte entre Thésée et le Minotaure.
Thésée, très bel album d'Yvan Pommaux, retrace une des légendes mythologiques les plus connues mais dont on oublie souvent les détails. Labyrinthe, Dédale, fil d'Ariane... Ces noms propres sont devenus des noms communs. Mais qu'étaient-ils à l'origine? Yvan Pommaux rend accessible et facilement compréhensible cette légende où pourtant les personnages sont nombreux. Il va de soi que les illustrations facilitent la compréhension du mythe aux jeunes lecteurs. L'histoire se lit très facilement, la curiosité des plongeurs déclenchant celle des lecteurs.
On découvre alors comment Thésée parvient à vaincre le Minotaure, ce monstre mi-homme mi-taureau enfermé dans un labyrinthe, et surtout comment il parvient à ressortir de ce dédale!
Bref, c'est un album que je recommande vivement aux passionnés de mythologie.

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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 22:10

                 Les Jardins du silence, Monique Molière, Société des écrivains, 449 pages, 24 euros.

Les Jardins du silence

 

      A la fin du XIXème siècle, la jeune Clara est conduite par sa mère au château du comte de Beaufort pour devenir la demoiselle de compagnie de Mlle Agnès de Beaufort. Le contraste est alors fort pour cette jeune paysanne d’Auvergne : fini les travaux aux champs et place désormais à la vie des aristocrates, aux bonnes manières, à la littérature… Pourtant, si au départ « son statut de dame de compagnie tient Clara à l’orbe du cercle des domestiques, ni dedans, ni dehors », la jeune domestique va vite jouer un rôle qui dépasse de loin ses fonctions quand les mystères vont se succéder.

      Les Jardins de silence appartient à ce genre de livre qu’il est difficile de refermer une fois qu’on les a ouverts… Ce second ouvrage de Monique Molière est de fait un roman policier très bien mené qui s’inscrit dans un contexte historique et politique particulièrement agité, puisqu’il s’agit de celui de la Troisième République. Il faut dire que cette période, riche en mystères avec l’importance de la Franc-Maçonnerie et du milieu occultiste, se prête largement à ce genre romanesque. Que les plus hostiles d’entre nous au roman historique et à la politique se rassurent, l’auteure a le don de rendre Histoire et politique passionnantes. Sous sa plume, et pour ne donner qu’un seul exemple, le trafic des Légions d’honneur mis en place par le député Daniel Wilson, gendre du Président de la République de l’époque, Jules Grévy, devient palpitant et ce notamment parce que Monique Molière fait cohabiter l’histoire réelle et les aventures de héros hauts en couleurs mais réalistes ! On croise ainsi le personnage de Girardon, un député avide de sexe et abonné aux bordels parisiens qui a son franc-parler. Aussi certaines scènes sont-elles savoureuses, comme celle-ci où il rencontre pour la première fois Marguerite de Beaufort :
« _ Ben alors la Marguerite, on fait sa mijaurée ! Belle fille, mais pas commode ! Je comprends mon comte pourquoi tu vas au Chabanais. Au moins, les putes ne t’emmerdent pas pour des babioles. Tu pètes, tu rotes, elles s’en foutent. Ça les fait marrer !
Henri livide se lève à son tour.
_ Girardon, tu vas la fermer oui ! Ou je te fous mon poing sur ta grande gueule de républicain malappris.
_ Ne t’énerve pas mon comte ! Ta pouliche faut la mettre au pas, sinon tu pourras rien en faire. Dès que t’auras le dos tourné elle te foutra un coup sur le casaquin, que t’auras pas le temps d’y voir ! »
Malgré son côté grossier voire parfois repoussant, Girardon n’en devient pas moins pour autant attachant. Ces scènes
Le côté historique, intéressant et passionnant d’un point de vue culturel, ne masque en aucun cas l’intrigue romanesque. Sur ce fond de troisième république, nous est contée la sombre histoire d’une passion (au sens étymologique du terme) amoureuse digne d’une tragédie. Le rythme du roman est très soutenu, péripéties et rebondissements s’enchaînent (multiples meurtres, disparition, incendie suspect,…). Le mystère et le suspens sont maintenus jusqu’à la fin.
C’est un roman que je recommande vivement. Et s’il fallait mettre une note ce serait 5/5.

 

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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 18:37

Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, Nus n’est pas un roman érotique mais un polar !

 Décidé à faire passer la contre-société alternative à la vitesse supérieure, le collectif libertaire « ZO » organise son « université d’été » dans un camp naturiste. Parce qu’à poil on ne peut plus rien cacher !
Mais voilà que dès leur arrivée dans le camp, Calo, Laurence, Brett, Sonia, Thomas et les autres sont accueillis par Harrar, le propriétaire du camping et par les gendarmes…Un meurtre a eu lieu au camping. La victime est Rosa, une gentille retraitée, qui aidait de temps à autres Harrar à la réception du camping. Au départ, uniquement solidaires d’Harrar, les membres du collectif libertaire s’impliquent par la suite passionnément dans l’enquête, lorsqu’ils découvrent que la gentille retraitée serait la fille du célèbre combattant républicain espagnol Durutti. Ce n’est plus Rosa, c’est une icône qu’on a tuée !

Nus est un polar assez original dans la mesure où l’on ne ressent pas d’angoisse particulière en le lisant. Au contraire, on est souvent amené à rire, notamment lorsqu’un gendarme vient approfondir son enquête sur une plage de nudiste et que pour passer incognito, il est lui-même venu en tenue d’Adam avec son képi dans son sac…

« _ Vous me reconnaissez ?

_ Je vous ai déjà vu, mais, là, je vois pas.

Le type fait, du plat de la main sur le coin du front, un salut de gendarme.

_ Sergent le Tellier, de la Gendarmerie nationale.

Banco, c’est le jeune pandore avec qui Calo a, un peu, sympathisé lors de la visite chez Rosa. Avec qui il a épluché le jardin. A poil. Sans uniforme, les hommes perdent efficacement leur maigre pouvoir. Il n’y a plus qu’une tête, deux bras, deux jambes et une quéquette. La seule différence, en fait, c’est la quéquette. Autant de quéquettes que d’hommes. Calo se dit que, sur une carte d’identité ou bien un dossier de justice, la photo de la bite serait bien plus parlante que des empreintes digitales. »
Si le ton du roman est plutôt léger, les questions soulevées n’en sont pas pour autant moins importantes.

Le suspens est maintenu jusqu’à la fin du roman et l’on est surpris de l’identité du tueur. Calo et toute sa bande d’anarchistes doivent alors affronter leurs contradictions libertaires : que faire du coupable ? Peut-on mentir, peut-on trahir pour que justice soit faite ? Eux, prônant des valeurs parfois presque anarchistes, peuvent-ils ne pas livrer le coupable aux forces de l’ordre ?
Et s’il fallait mettre une note, ce serait 4/5.

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 21:24

Une longue et solide complicité unit Max et Martin, deux associés marchands d'art. En 1932, Martin retourne vivre avec sa famille en Allemagne, tandis que Max, juif américain, reste en Californie. Mais au fur et à mesure que le temps passe, les marques de familiarité et d'amitié qui emplissent les premières lettres cèdent peu à peu leur place à des formules de politesse de plus en plus froides et formelles. Un sombre pressentiment envahit Max à mesure que son compagnon espace leur correspondance. L'Histoire aura-t-elle raison de leur amitié?

Les lettres qui composent Inconnu à cette adresse s'échelonnent de novembre 1932 à mars 1934. Si l'histoire qui est racontée dans ce court roman épistolaire est fictive, elle s'inscrit en revanche dans un cadre historique réel et précis : celui de la montée du nazisme en Allemagne jusqu'à son installation au pouvoir.

Autrefois très proche de son ami Max, Martin semble très vite perdre tout recul critique et toute compassion devant les violences infligées aux juifs. Il se laisse clairement embrigader. Le changement d'attitude de cet Allemand "pure souche" est assez brutal. Les doutes du début , "Je crois que Hitler est bon pour le pays, mais je n'en suis pas sûr", débouchent vite sur des certitudes et les lettres se font douloureuses pour Max :

"Nous devons présentement cesser de nous écrire. Il devient impossible pour moi de correspondre avec un juif; et ce le serait même si je n'avais pas une position officielle à défendre. [...]

En ce qui concerne les mesures sévères qui t'affligent tellement, je dois dire que, au début, elles ne me plaisaient pas non plus; mais j'en suis arrivé à admettre leur douloureuse nécessité. La race juive est une plaie ouverte pour toute nation qui lui a donné refuge. Je n'ai jamais haï les juifs en tant qu'individus - toi, par exemple, je t'ai toujours considéré comme mon ami -, mais sache que je parle en toute honnêteté quand j'ajoute que je  t'ai sincèrement aimé non à cause de ta race, mais malgré elle."

Hitler apparaît de fait comme l'homme providentiel aux yeux de Martin comme aux yeux de beaucoup d'Allemands pour sortir le pays de la crise (présentée comme la décadence morale de la société). Max désemparé et déçu parviendra-t-il alors à stopper la dérive de son "ami"? Et qui se cache derrière cet "inconnu à cette adresse?"

Et s'il fallait mettre une note, ce serait 4,5/5.

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 16:51

Il s'appelle Le Grand, elle s'appelle La Petite. Ils sont seuls au monde. Il ne leur reste plus qu'à se rencontrer, à s'inventer des fables. Pourquoi, le jour, les étoiles disparaissent? Comment faire réapparaître le fantôme de leur mère? Comment traverser des villes et frapper aux portes des maisons? Ils sèment des cailloux sur leur chemin et l'un d'entre eux les accompagne. Lorsqu'ils ont fait le tour du monde, ils s'interrogent. Comment donner un sens à leur histoire?

Comme l'indique le titre, Philippe Dorin s'inspire pour cette pièce de théâtre du conte du Petit Poucet bien connu de tous les enfants. Que recherchent Le Grand et La Petite si ce n'est un chez-soi? Pour le trouver, et ce en semant des cailloux, ils existent, ils sont, ils avancent, ils marchent. Mais au fil de ce parcours initiatiques, sont soulevées des problématiques universelles telles que l'errance, l'habitat, la fraternité, l'égalité et la justice.

Le titre de la pièce ne renvoie pas alors seulement au Petit Poucet mais également à En attendant Godot de Samuel Beckett. En effet, de la même manière que Vladimir et Estragon font passer le temps en se posant des questions métaphysiques ou en cherchant de quelconques occupations, de la même manière Le Grand et La Petite se réfugient dans l'imaginaire pour échapper à la cruauté de leur quotidien. Cette référence est toutefois difficilement perceptible pour de jeunes lecteurs. Seul un lecteur ou un spectateur adulte peut comprendre le clin d'oeil à Beckett et mieux appréhender cet univers absurde. Cela n'empêche toutefois pas le jeune public de suivre la pièce.

Cette pièce oscille de fait entre légèreté et gravité. Philippe Dorin nous invite à rentrer dans un univers rempli d'humour, de poésie et d'étrangeté , qui dit l'enfance et son imaginaire, où réel et irréel ne font qu'un. Il invente une écriture qui se nourrit d'un vrai sens du jeu, une écriture épurée, dépouillée, empreinte de rêve et de fantaisie.

 

"La Petite - Alors, il est où, le petit coin où on pourra retirer nos chaussures et poser nos pieds sur un petit tapis?

Le Grand - Laisse-moi refaire mon rêve!

La Petite prend le petit caillou dans sa main.

La Petite - Tiens, la lune!

Ils s'endorment.

 

Le Grand se lève. Il réveille La Petite.

Le Grand - Debout!

La Petite - Déjà?

Le Grand - C'est le matin.

La Petite - Qu'est-ce que tu as fait des étoiles?

Le Grand - Je les ai toutes ramassées, pardi!

La Petite - Pourquoi tu les as toutes ramassées?

Le Grand - Pour les remettre dans la poche du riche, cette idée!

La Petite - Parce que les étoiles aussi, elles appartiennent au riche?

Le Grand - A qui d'autre veux-tu qu'elles appartiennent?

La Petite - Chez nous, elles étaient à tout le monde, les étoiles!

Le Grand - Tu crois ça, toi! Eh non, chaque matin, il faut les rendre au riche.

La Petite - C'est pour ça, alors qu'on est toujours obligés de se lever, le matin, à cause du riche.

Le Grand - C'est normal. Le jour, il veut pouvoir profiter de sa fortune.

La Petite - Et nous, on reste les poches vides toute la journée.

Le Grand - T'en fais pas ! Ce soir, comme tous les autres soirs, le riche sortira les étoiles de sa poche, et il les lancera à nouveau dans le ciel, pour que tout le monde en profite.

La Petite - Tu parles! Ton riche, il fait toujours bien attention de les envoyer très haut, les étoiles, pour être sûr que personne ne puisse les attraper."

 Et s'il fallait mettre une note, ce serait 4/5.

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10 mai 2012 4 10 /05 /mai /2012 18:18

    Alors qu'elle n'a que vingt ans, Denise débarque à Paris accompagnée de ses deux frères, Jean seize ans et Pépé cinq ans. Ils viennent de fait chercher le secours de leur oncle Baudu qui leur a "gentiment" ou plutôt poliment proposé un mois plus tôt son hospitalité à la suite du décès de leur père. Tandis que les trois provinciaux errent dans les rues de Paris à la recherche de la petite boutique de Baudu, ils sont arrêtés par la beauté, l'immensité et la vie d'un grand magasin : le Bonheur des Dames. Quel contraste avec le vieil Elbeuf, le magasin de Baudu, qui est en train de se délabrer! Ce magasin qui fait rêver toutes les femmes parisiennes va également faire rêver Denise. Mais le rêve frôle parfois le cauchemar... L'histoire est lancée!

 

Comme dans la plupart des romans de la série des Rougon-Macquart, dans Au Bonheur des dames, Zola veut rendre compte de la société contemporaine et plus précisément de son évolution, de ses changements. Ce qui l'intéresse dans ce roman, c'est l'apparition du grand magasin inconnu jusqu'alors et qui a révolutionner la façon de consommer.

 

Dans le dernier tiers du XIXème siècle, la lutte est engagée dans certains quartiers de Paris entre le petit commerce traditionnel et les grands magasins comme Au Bon Marché, dont la puissance commerciale s'affirme de jour en jour. C'est d'ailleurs ce magasin qui a inspiré Zola. L'on sait en effet que l'auteur, fidèle à ses méthodes d'enquêteur, avait sollicité une visite de ce magasin auprès d'Aristide Boucicaut, son inventeur. Aristide Boucicaut, c'est Octave Mouret, ce jeune patron, pur produit du capitalisme triomphant, et l'ancêtre de nos grands PDG. Il a tout compris des mécanismes nouveaux des affaires, tout deviné des ressorts de ce qu'on appelera un siècle plus tard la société de consommation.

 

"Ayez donc les femmes et vous posséderez le monde", s'exclame-t-il!  C'est là un véritable coup de génie! A l'époque, la femme est en effet considérée comme une espèce décorative, fragile et immature. "Cheveux longs et courte d'esprit" est d'ailleurs une maxime fort répandue. La médecine et l'Eglise s'étaient d'ailleurs entendues pour créer une image de la femme opposée à celle de l'homme, prétendant que le cerveau des femmes était plus petit - cerveau qui ne devait pas être trop stimulé car, en cas de grossesse, le sang quitterait l'utérus, ce qui qui engendrerait un enfant chétif et donc un futur soldat inapte à défendre la France! C'était alors un devoir quasi patriotique pour les femmes de rester à la maison. Aussi une femme respectable ne pouvait-elle fréquenter que deux lieux sans son mari : l'église et le cimetière. Et c'est là tout le coup de génie d'Octave Mouret/Aristide Boucicaut : le magasin doit devenir la nouvelle cathédrale des femmes.

 

Mais si Zola assigne au roman une fonction documentaire, le roman n'est pas une plate reproduction de la réalité. Impossible en effet pour lui de faire une description objective et purement réaliste! Sous sa plume, le magasin devient un monstre qui dévore Paris :

 

"Vers deux heures, un piquet d'ordre dut faire circuler la foule et veiller au stationnement des voitures. Le palais était construit, le temple élevé à la folie dépensière de la mode. Il dominait, il couvrait un quartier de son ombre. Déjà, la plaie, laissée à son flanc par la masure de Bourras, se trouvait si bien cicatrisée, qu'on aurait vainement cherché la place de cette verrue ancienne; les quatre façades filaient le long des quatre rues, sans une lacune, dans leur isolement superbe. Sur l'autre trottoir, depuis l'entrée de Baudu dans une maison de retraite, le Vieil Elbeuf était fermé, muré ainsi qu'une tombe, derrière les volets qu'on n'enlevait plus; peu à peu, les roues des fiacres les éclaboussaient, des affiches les noyaient, les collaient ensemble, flot montant de la publicité, qui semblait la dernière pelletée de terre jetée sur le vieux commerce; et, au milieu de cette devanture morte, salie des crachats de la rue, bariolée des guenilles du vacarme parisien, s'étalait, comme un drapeau planté sur un empire conquis, une immense affiche jaune, toute fraîche, annonçant en lettres de deux pieds la grande mise en vente du Bonheur des Dames. On eût dit que le colosse, après ses agrandissements successifs, pris de honte et de répugnance pour le quartier noir, où il était né modestement et qu'il avait plus tard égorgé, venait de lui tourner le dos, laissant la bouee des rues étroites sur ses derrières, présentant sa face de parvenu à la voie tapageuse et ensoleillée du nouveau Paris."

 

Parallèlement à l'histoire du grand magasin, Au Bonheur des Dames raconte l'histoire d'amour improbable entre cette pauvre vendeuse moquée qu'est Denise et Octave Mouret, ce grand patron richissime. L'on y voit les deux personnages renoncer peu à peu à leurs préjugés moraux et sociaux.

 

Et s'il fallait mettre une note, ce serait 5/5

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 14:20

Alors que Fadinard doit se marier le jour-même et qu'il rentre chez lui après une nuit passée dans sa future belle-famille, il lui arrive une aventure plus que cocasse : son cheval mange le chapeau de paille d'une dame qui badine en secret avec un soupirant. Si elle ne retrouve pas son accessoire, elle est perdue. Elle décide donc de camper chez Fadinard jusqu'à ce que ce dernier lui ait trouvé un chapeau identique. Commence alors une folle journée pour lui qui se lance à la quête du chapeau suivi de toute la noce!

Un chapeau de paille d'Italie appartient à un genre bien particulier : le vaudeville qui mêle dialogues parlés et chantés. Cette pièce m'a fait énormément rire. Lors de sa première représentation, le 14 août 1851, un spectateur fut d'ailleurs saisi d'un tel fou rire qu'il étouffa et finit même par en mourir. Zola en fait d'ailleurs le modèle du vaudeville :

"Je citerai d'abord Un Chapeau de paille d'Italie, cette pièce qui est devenue le patron de tant de vaudevilles. Ce jour-là, M. Labiche avait fait mieux que d'écrire une pièce, il avait créé un genre. L'invention était un cadre si heureux, si souple pour contenir toutes les drôleries imaginables, que, fatalement, le moule devait rester. Je dirai presque une trouvaille de génie, car ne crée pas un genre qui veut. Dans notre vaudeville contemporain, on n'a encore rien imaginé et mieux, d'une fantaisie plus folle ni plus large, d'un rire plus sain, ni plus franc."

Et en effet, tout prête à rire dans Un chapeau de paille d'Italie : entre la naïveté - pour ne pas dire la niaiserie - d'Hélène, future femme de Fadinard, la surdité de Vézinet qui forcément ne comprend rien à ce qu'on lui dit et répond toujours de manière décalée et les menaces incessantes du futur beau-père d'annuler le mariage, cette journée n'est pas de tout repos pour Fadinard.

Bref, cette pièce est un réel plaisir à lire et s'il fallait donner une note, ce serait 5/5.

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27 avril 2012 5 27 /04 /avril /2012 15:44

 

 Les hirondelles seront toujours là, Myriam Salomon Ponzo, Mon petit éditeur, 210 pages, 20€.

 

Alors qu’elle n’a que deux ans, les parents de Marion se séparent. Commence alors pour elle et son frère Edmond une existence mouvementée : d’abord confiés à l’assistance publique, dans un sursaut de paternité, Charles vient les chercher…pour les confier un temps à leur grand-mère maternelle. Leur mère, quant à elle, n’en a que le nom, ne faisant que quelques apparitions dans la vie de ses enfants et restant pour eux un mystère.
Qu’adviendra-t-il alors de ses enfants qui grandissent et deviendront des adultes ?

 

Les hirondelles seront toujours là raconte d’abord le chaos d’une enfance difficile. Un peu à la manière de Zola, Myriam Salomon-Ponzo semble présenter les problèmes de ses personnages comme une sorte de tare héréditaire. Si les parents de Marion et Edmond n’ont pas réussi à construire un foyer familial stable où élever leurs enfants, c’est peut-être parce qu’eux-mêmes n’en ont pas eu. Ainsi, Charles n’a jamais connu son propre père et a été élevé par sa tante ; Faustine non plus n’a jamais su qui était son père et a grandi aux côtés de sa grand-mère… Le divorce de Charles et de Faustine apparaît alors comme une fatalité dont doivent s’accommoder les deux enfants.
Marion adulte aura bien du mal à remplacer un manque affectif toujours latent. L’image forte de son père va entraîner Marion enfant, adolescente puis adulte dans un tourbillon masculin où les hommes de sa vie vont défiler sans jamais parvenir à soulager son malaise.
Si j’ai bien aimé la façon de raconter l’histoire dans ce livre, mêlant à la fois humour et amertume, je regrette toutefois que l’analyse psychologique des personnages n’ait pas été poussée plus avant. Je reprocherais en effet à l’auteur d’être trop descriptive et de ne pas suffisamment brosser le portrait intérieur de ses personnages qu’on aurait envie de connaître davantage. De plus, j’ai été quelque peu déçue dans la mesure où les premières pages du roman nous faisaient croire à une réflexion à venir :
« Le divorce des parents de Marion fut prononcé et ainsi débuta sa vie. A compter de ce jour, il leur était donné, à elle et son frère, deux et quatre ans, de s’accommoder de cette situation.

Cela n’était certainement pas le meilleur des commencements, mais si les choses avaient été toutes autres, Marion aurait-elle les mêmes souvenirs qui l’enchantent et l’émeuvent ? »

Or, cette interrogation est mise de côté dans le livre qui est trop souvent purement descriptif. Ce n’est que dans les dernières pages du livre que l’on retrouve cette réflexion. C’est à cet égard que la fin du livre est à mon avis plus intéressante.

J’ai également été gênée dans ma lecture par certaines lourdeurs. Trop nombreuses sont en effet les phrases du type « Ce devait être l’aventure de la vie de Marion qui la marquerait » ou encore « Marion ne savait pas que c’est de cette décision-là qu’allait découler le reste de sa vie » qui ne cessent d’annoncer ce qui va se passer par la suite et déçoivent ainsi le suspense du lecteur.

 

Malgré tout, le texte se lit vraiment très bien et très vite. Cette lecture reste agréable. Myriam Salomon-Ponzo nous offre là le témoignage d’une enfance – son enfance, comme elle le confesse dans les dernières lignes – à la fois heureuse et malheureuse mais qui au final se montre optimiste pour peu qu’on veuille bien regarder le bon horizon.

Et s’il fallait donner une note, ce serait 3/5.

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25 avril 2012 3 25 /04 /avril /2012 11:50

Alors qu'Oedipe vient de naître, un oracle annonce à ses parents que cet enfant tuera son père et épousera sa mère. Laios et Jocaste, roi et reine de Thèbes, préfèrent sur ces paroles abandonner l'enfant : attaché par les pieds à une branche, une fois déposé sur le mont Cithéron, il sera condamné à mort. Mais c'est sans compter sur la pitié d'un berger qui le recueille pour l'offrir à son roi qui lui veut mais ne peut avoir de fils. Oedipe va alors être élevé par Polybe et Mérope, roi et reine de Corinthe, sans savoir qu'il a été adopté. Sa jeunesse se passe bien, jusqu'au jour où lors d'un banquet bien arrosé, les langues se délient :

"A la table des jeunes gens, Oedipe, le fils du roi, rappelle ses propres succès à la course.

_Tu n'es pas le seul à remporter des victoires! lance Epidamas, visiblement irrité des vantardises du prince.

_Certes, mais je fais mieux que toi, en tout cas!

_A la course de chars, c'est possible... ricane Epidamas, mais tu ne peux en dire autant pour d'autres épreuves.

_Que veux-tu dire par là?

L'atmosphère est tendue, les convives se taisent, sauf Antiphon - le meilleur ami d'Oedipe - qui ne connaît trop bien son caractère emporté et tente d'intervenir :

_Allons, cessez de vous lancer des piques! Vous avez trop bu et vous dites n'importe quoi!

_Laisse-le parler, insiste Oedipe, l'air buté. Alors, que veux-tu dire?

_Je veux dire qu'en char, on n'a pas besoin de ses jambes, n'est-ce pas, "Pied-Bot"? lance Epidamas.

Oedipe s'est levé, il est fou de rage.

_Tu n'es qu'un sombre petit jaloux! Un jaloux, oui! Bien sûr, on m'appelle "Pied-Bot", et je boite. Mais toi, qui ne boites pas, quelles victoires remportes-tu? La course à pied, le saut? Et alors? Chacun sait que la seule épreuve digne d'un noble est la course de chars!

_Encore faut-il être fils de roi!

Le silence est de plomb. Oedipe reprend, d'une voix blanche :

_C'est à moi que tu parles? Je ne suis pas fils de roi?

Epidamas hésite à peine ; emporté par sa hargne, il jette à la figure du prince :

_Parfaitement! Tu n'es pas le fils de Polybe, tu n'es qu'un bâtard!"

C'est alors qu'Oedipe se fait vite rattraper par son destin. Plus il essaie d'échapper à son destin et plus il l'accomplit...

Contrairement à l'Oedipe-Roi de Sophocle, il ne s'agit pas là d'une pièce de théâtre mais d'un roman. Sans doute Marie-Thérèse Davidson a-t-elle préféré ce genre pour un maximum de clarté, ce livre s'adressant à un public adolescent.

On retrouve toutefois tous les ressorts de la tragédie. Notons d'ailleurs que le livre commence par un prologue et que certains passages ne sont pas sans rappeler les choeurs de la tragédie grecque. La dimension cathartique est tout aussi présente que dans le texte de Sophocle. Oedipe commet deux des plus grands crimes selon les Grecs : le parricide et l'inceste. On voit bien que pour les Grecs, ces deux crimes - même s'ils sont involontaires - sont impardonnables. Ces deux actes sont absoluement interdits. Les raisons en semblent claires : reconnaître les liens familiaux et respecter l'ordre des générations est constitutif de l'humanité. Telle est la leçon que nous transmet l'histoire d'Oedipe. L'autre leçon commune à toutes les tragédies cette fois, est qu'un homme, si puissant, si intelligent soit-il, ne peut rien contre les forces du destin, de la destinée. Or, aujourd'hui encore, les hommes continuent à s'interroger sur ces questions. Le mythe voyage donc à travers les pays et les siècles, chacun y trouvant une signification renouvelée.
Marie-Thérèse Davidson a de fait su mettre à la portée des jeunes lecteurs une histoire noire de la mythologie a priori complexe. Et s'il fallait mettre une note, ce serait 4/5.

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23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 15:22

"Montrer la violence raciste dans toute son horreur inacceptable, méchante et bête, cela peut choquer. Ce n'est pas mon intention. Je voudrais simplement qu'en refermant ce livre, vous n'ayez plus qu'une envie : lutter." C'est ainsi que Marie-Agnès Combesque, journaliste et écrivain, directrice de la collection "J'accuse" chez Syros, introduit son livre. Le Silence et la haine est composé de deux histoires vraies, dans lesquelles seus les noms ont été changés.

Le premier récit, Je te hais, je te tue, présente une forme originale qui allie les deux passions de Marie-Agnès Combesque : le journalisme et la littérature. A Paris, en septembre 1993, alors qu'Ali et Fouad rentrent d'un concert, ils se font sauvagement agresser par des skinheads dans le métro et transformer en torche vivante après avoir été arrosés d'essence. Leur tort : être arabe. Ce texte découpé en cinq séquences alterne avec des extraits d'articles du journal Le Monde savamment choisis. Un seul date de 1993, les autres sont plus anciens, mais tous racontent la même histoire : les insultes, les agressions, les exclusions, les persécutions, bref le racisme. Ces articles pourraient nous paraître déjà lointains dans le temps, mais force est de constater que l'on trouve encore les mêmes dans nos journaux. D'ailleurs, les peurs et les tristes constats exprimés par Marie-Agnès Combesque ne sont que trop d'actualité :

"Nous savons tous qu'en France, des citoyens de ce pays ou des étrangers qui vivent avec nous sont victimes d'agressions racistes. Des jeunes sont interdits de boîtes de nuit, des inscriptions fleurissent sur les murs, des tracts remplissent nos paniers sur les marchés, des êtres humains servent de cibles vivantes à certains infectés par le virus de la "préférence nationale". A Toulon, Orange, Marignane et Vitrolles, nous assistons en direct à la mise ne pratique des idées d'intolérances colportées par un parti légal : le Front national.

Dans les bibliothèques de ces villes, les étagères ont été "nettoyées" des journaux et des livres qui déplaisaient aux nouveaux maires. Cette épuration intellectuelle porte un nom : censure. La censure est le premier pas vers des pratiques totalitaires et le racisme est l'un des visages du fascisme."

Le deuxième récit, Maria la Rom, a lieu à la même date, mais dans un autre pays : la Roumanie. Seule la distance éloigne les personnages car leur histoire est la même : Maria a quant à elle été victime d'un pogrome. Son crime? Appartenir à un peuple détesté : les Roms.

En écrivant ces deux histoires, Marie-Agnès n'a eu de cesse de penser au Journal d'Anne Franck. "C'est Anne qui m'a fait découvrir pour la première fois la signification et les conséquences du mot "racisme". La petite Anne a vécu seulement quinze ans parce que dans l'Allemagne nazie, des hommes pleins de haine et de dégoût d'eux-mêmes ont décrété qu'un juif était un sous-homme qu'il fallait anéantir partout dans le monde". Pour ses deux histoires, l'auteur a choisi de faire raconter leur expérience du racisme par les personnages eux-mêmes. L'écriture en narration interne, avec un style proche de l'oralité, nous met dans la peau de ces personnages rejetés et haïs uniquement pour des questions de couleurs de peau.

Le silence et la haine est un livre de combat : le racisme s'exprime partout au quotidien. Il devient banal, il ne révolte plus. Ne plus combattre le racisme, c'est laisser libre cours à la haine des autres et à la violence. Pour approfondir la réflexion du lecteur, Marie-Agnès Combesque a fait suivre son livre d'un dossier de documents et de témoignages sur le racisme et ses expressions au cours de l'histoire mondiale.
Et s'il fallait mettre une note, ce serait 4/5.

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