Les Jardins du silence, Monique Molière, Société des écrivains, 449 pages, 24 euros.
A la fin du XIXème siècle, la jeune Clara est conduite par sa mère au château du comte de Beaufort pour devenir la demoiselle de compagnie de Mlle Agnès de Beaufort. Le contraste est alors fort pour cette jeune paysanne d’Auvergne : fini les travaux aux champs et place désormais à la vie des aristocrates, aux bonnes manières, à la littérature… Pourtant, si au départ « son statut de dame de compagnie tient Clara à l’orbe du cercle des domestiques, ni dedans, ni dehors », la jeune domestique va vite jouer un rôle qui dépasse de loin ses fonctions quand les mystères vont se succéder.
Les Jardins de silence appartient à ce genre de livre qu’il est difficile de refermer une fois qu’on les a ouverts… Ce second ouvrage de Monique Molière est de fait un roman policier très bien mené qui s’inscrit dans un contexte historique et politique particulièrement agité, puisqu’il s’agit de celui de la Troisième République. Il faut dire que cette période, riche en mystères avec l’importance de la Franc-Maçonnerie et du milieu occultiste, se prête largement à ce genre romanesque. Que les plus hostiles d’entre nous au roman historique et à la politique se rassurent, l’auteure a le don de rendre Histoire et politique passionnantes. Sous sa plume, et pour ne donner qu’un seul exemple, le trafic des Légions d’honneur mis en place par le député Daniel Wilson, gendre du Président de la République de l’époque, Jules Grévy, devient palpitant et ce notamment parce que Monique Molière fait cohabiter l’histoire réelle et les aventures de héros hauts en couleurs mais réalistes ! On croise ainsi le personnage de Girardon, un député avide de sexe et abonné aux bordels parisiens qui a son franc-parler. Aussi certaines scènes sont-elles savoureuses, comme celle-ci où il rencontre pour la première fois Marguerite de Beaufort :
« _ Ben alors la Marguerite, on fait sa mijaurée ! Belle fille, mais pas commode ! Je comprends mon comte pourquoi tu vas au Chabanais. Au moins, les putes ne t’emmerdent pas pour des babioles. Tu pètes, tu rotes, elles s’en foutent. Ça les fait marrer !
Henri livide se lève à son tour.
_ Girardon, tu vas la fermer oui ! Ou je te fous mon poing sur ta grande gueule de républicain malappris.
_ Ne t’énerve pas mon comte ! Ta pouliche faut la mettre au pas, sinon tu pourras rien en faire. Dès que t’auras le dos tourné elle te foutra un coup sur le casaquin, que t’auras pas le temps d’y voir ! »
Malgré son côté grossier voire parfois repoussant, Girardon n’en devient pas moins pour autant attachant. Ces scènes
Le côté historique, intéressant et passionnant d’un point de vue culturel, ne masque en aucun cas l’intrigue romanesque. Sur ce fond de troisième république, nous est contée la sombre histoire d’une passion (au sens étymologique du terme) amoureuse digne d’une tragédie. Le rythme du roman est très soutenu, péripéties et rebondissements s’enchaînent (multiples meurtres, disparition, incendie suspect,…). Le mystère et le suspens sont maintenus jusqu’à la fin.
C’est un roman que je recommande vivement. Et s’il fallait mettre une note ce serait 5/5.