Il s'appelle Le Grand, elle s'appelle La Petite. Ils sont seuls au monde. Il ne leur reste plus qu'à se rencontrer, à s'inventer des fables. Pourquoi, le jour, les étoiles disparaissent? Comment faire réapparaître le fantôme de leur mère? Comment traverser des villes et frapper aux portes des maisons? Ils sèment des cailloux sur leur chemin et l'un d'entre eux les accompagne. Lorsqu'ils ont fait le tour du monde, ils s'interrogent. Comment donner un sens à leur histoire?
Comme l'indique le titre, Philippe Dorin s'inspire pour cette pièce de théâtre du conte du Petit Poucet bien connu de tous les enfants. Que recherchent Le Grand et La Petite si ce n'est un chez-soi? Pour le trouver, et ce en semant des cailloux, ils existent, ils sont, ils avancent, ils marchent. Mais au fil de ce parcours initiatiques, sont soulevées des problématiques universelles telles que l'errance, l'habitat, la fraternité, l'égalité et la justice.
Le titre de la pièce ne renvoie pas alors seulement au Petit Poucet mais également à En attendant Godot de Samuel Beckett. En effet, de la même manière que Vladimir et Estragon font passer le temps en se posant des questions métaphysiques ou en cherchant de quelconques occupations, de la même manière Le Grand et La Petite se réfugient dans l'imaginaire pour échapper à la cruauté de leur quotidien. Cette référence est toutefois difficilement perceptible pour de jeunes lecteurs. Seul un lecteur ou un spectateur adulte peut comprendre le clin d'oeil à Beckett et mieux appréhender cet univers absurde. Cela n'empêche toutefois pas le jeune public de suivre la pièce.
Cette pièce oscille de fait entre légèreté et gravité. Philippe Dorin nous invite à rentrer dans un univers rempli d'humour, de poésie et d'étrangeté , qui dit l'enfance et son imaginaire, où réel et irréel ne font qu'un. Il invente une écriture qui se nourrit d'un vrai sens du jeu, une écriture épurée, dépouillée, empreinte de rêve et de fantaisie.
"La Petite - Alors, il est où, le petit coin où on pourra retirer nos chaussures et poser nos pieds sur un petit tapis?
Le Grand - Laisse-moi refaire mon rêve!
La Petite prend le petit caillou dans sa main.
La Petite - Tiens, la lune!
Ils s'endorment.
Le Grand se lève. Il réveille La Petite.
Le Grand - Debout!
La Petite - Déjà?
Le Grand - C'est le matin.
La Petite - Qu'est-ce que tu as fait des étoiles?
Le Grand - Je les ai toutes ramassées, pardi!
La Petite - Pourquoi tu les as toutes ramassées?
Le Grand - Pour les remettre dans la poche du riche, cette idée!
La Petite - Parce que les étoiles aussi, elles appartiennent au riche?
Le Grand - A qui d'autre veux-tu qu'elles appartiennent?
La Petite - Chez nous, elles étaient à tout le monde, les étoiles!
Le Grand - Tu crois ça, toi! Eh non, chaque matin, il faut les rendre au riche.
La Petite - C'est pour ça, alors qu'on est toujours obligés de se lever, le matin, à cause du riche.
Le Grand - C'est normal. Le jour, il veut pouvoir profiter de sa fortune.
La Petite - Et nous, on reste les poches vides toute la journée.
Le Grand - T'en fais pas ! Ce soir, comme tous les autres soirs, le riche sortira les étoiles de sa poche, et il les lancera à nouveau dans le ciel, pour que tout le monde en profite.
La Petite - Tu parles! Ton riche, il fait toujours bien attention de les envoyer très haut, les étoiles, pour être sûr que personne ne puisse les attraper."
Et s'il fallait mettre une note, ce serait 4/5.